15
LA SAVANE
Nous avons attendu six jours en bordure de savane. Par deux fois, des bandes de guerriers à la peau sombre sont venues nous observer. La première fois, Sifflote nous a mis en garde : « Ne vous laissez pas attirer hors de la route. »
Il avait donné le conseil à Qu’un-Œil, ignorant que je maîtrisais maintenant suffisamment leur dialecte pour suivre leurs conversations. J’ai un certain don pour les langues.
Un don communément partagé par nous autres, vieux vétérans. On doit en apprendre tant.
« Quelle route ? avait demandé Qu’un-Œil. Ce sentier à vaches ? » Il désignait la piste qui sinuait dans le lointain.
« Bref, ce qui se trouve entre les bornes blanches. Cette route est sacrée. Tant que vous resterez dessus, vous serez protégés. »
Lors de notre premier bivouac, il nous a demandé de ne pas laisser de cercle de pierres blanches autour du campement. J’ai deviné la signification de ces alignements de pierres blanches qui couraient vers le sud. Le commerce exigeait des routes sûres. Les échanges n’avaient pourtant pas l’air bien florissants ces temps-ci. Depuis que nous avions quitté l’Empire, nous n’avions guère croisé de caravane importante remontant vers le nord. Et personne allant vers le sud. Exception faite, peut-être, d’une souche errante.
Sifflote a continué : « Quoi qu’il en soit, méfiez-vous des gens des plaines. Ils sont sournois. Ils emploieront toutes les ruses et les ficelles imaginables pour vous dérouter. Leurs femmes, notamment, sont connues pour ça. Souvenez-vous : ils vous surveillent en permanence. Quitter la route, c’est la mort. »
Madame était très intéressée par la discussion. Elle la comprenait elle aussi. C’est Gobelin qui a craqué : « T’es mort, gueule d’asticot.
— Quoi ? a glapi Qu’un-Œil.
— Au premier popotin qui viendra se balancer sous ton nez, tu suivras docilement jusque dans la marmite des cannibales.
— C’est pas des cannibales…» Une soudaine panique a crispé le visage du petit homme noir.
Il lui avait fallu un moment pour se rendre compte que Gobelin avait compris sa conversation avec Sifflote. Il nous a dévisagés à notre tour. Certains d’entre nous se sont trahis.
Ça l’a dépité d’autant. Il s’est retourné vers Sifflote et s’est mis à chuchoter, très énervé.
Sifflote est parti à glousser. Une espèce de rire, mi-caquet de poule, mi-cri de paon. Qui s’est terminé en quinte de toux.
Une toux mauvaise. Qu’un-Œil m’a fait signe. « T’es sûr que tu ne peux rien pour lui, Toubib ? S’il crache un poumon et reste sur le carreau, on est mal.
— Rien. Faudrait qu’il arrête cette vie de traîne-savates pour commencer…» Inutile de fredonner cette rengaine. Sifflote refusait de l’entendre. « Gobelin ou toi pouvez sûrement l’aider mieux que moi encore.
— Je ne peux pas venir en aide à un gars qu’est pas consentant.
— Tu l’as dit, bouffi, ai-je appuyé en le regardant droit dans les yeux. Dans combien de temps les aura-t-on, nos guides ?
— Tout ce que j’obtiens comme réponse quand je lui demande, c’est “bientôt”. »
Et le bientôt n’a pas tardé. Deux grands hommes noirs sont arrivés par la route en trottant à une allure soutenue et régulière. Les gaillards les plus robustes et vigoureux que j’avais vus depuis longtemps.
Chacun portait un faisceau de javelots en travers du dos et une lance courte à lame longue dans la main droite. Une espèce de bouclier zébré blanc et noir pendait à leur bras gauche. Ils évoluaient avec une synchronisation parfaite, comme si chacun d’eux composait la moitié d’une merveilleuse machine au rythme bien réglé.
Je me suis tourné vers Madame. Son visage restait impénétrable. « Ils feraient des soldats de premier ordre », a-t-elle murmuré.
Tous les deux ont trotté droit vers Sifflote, affichant une royale indifférence à l’égard de nous autres. Mais j’ai senti qu’ils nous examinaient en douce. Les Blancs sont rares de ce côté-ci de la jungle. Ils ont aboyé quelque chose à Sifflote dans une langue pleine de clics et de silences.
Sifflote s’est incliné profondément à plusieurs reprises. Il a répondu dans la même langue, d’une voix nouée d’esclave s’adressant à un maître irascible.
« Des ennuis, a auguré Madame.
— On dirait. » La morgue vis-à-vis de l’étranger n’était pas une expérience nouvelle. Mais il était temps que je me manifeste pour définir qui mènerait la danse et qui ferait les entrechats.
Je me suis adressé à Gobelin pour le lui dire avec les mains en langue des signes. Qu’un-Œil a capté le message. Il s’est mis à glousser. Ce qui a écorché la susceptibilité de nos nouveaux guides.
Ça allait devenir délicat. Ils se devaient de me répondre avec arrogance. Ensuite seulement, ils accepteraient d’être mis à leur place.
Qu’un-Œil partait dans de grandes idées. Je lui ai fait signe de se modérer mais de préparer une illusion impressionnante. À voix haute, je lui ai demandé : « C’est quoi ce charabia ? Débrouille-toi pour savoir de quoi il retourne. »
Il a commencé à tarabuster Sifflote.
Lequel paraissait toujours pris entre l’enclume et le marteau. Il a raconté à Qu’un-Œil que le K’Hlata ne marchandait pas. Il a dit qu’ils entendaient fouiller nos affaires et prendre ce qu’ils estimaient le prix de leur peine.
« Qu’ils essaient et ils se feront bouffer les doigts jusqu’aux coudes. Dis-le-leur. Poliment. »
Trop tard pour la politesse. Ces gars comprenaient la langue. Mais le grondement de Qu’un-Œil les a décontenancés. Ils ont marqué un moment de flottement.
« Toubib ! a crié Murgen. Du monde ! »
Effectivement. C’étaient les types qui nous avaient déjà épiés.
Rien n’aurait su mieux convenir aux susceptibilités égratignées de nos nouveaux amis. Ils se sont mis à sautiller, à hurler en frappant leurs boucliers de leurs lances. À pousser des cris de défi. À arpenter de long en large la frontière de pierres alignées. Qu’un-Œil trottinait derrière eux.
Le poisson ne mordait pas. Mais il avait lui aussi son hameçon. Une parole a été prononcée.
Les deux guerriers ont crié et se sont jetés à l’attaque. Ça a pris tout le monde de court. Trois nouveaux venus ont mordu la poussière. Les autres ont rapidement maîtrisé nos guides, non sans prendre de coups.
Sifflote s’est posté sur la frontière en se tordant les mains et dardant un regard mauvais à Qu’un-Œil. Des corbeaux tournoyaient haut dans le ciel.
« Gobelin ! ai-je crié. Qu’un-Œil ! Au boulot ! »
Qu’un-Œil a caqueté, levé les bras en l’air, empoigné ses cheveux et tiré.
Sous son chapeau idiot, il s’est dépouillé de son épiderme. Et l’écorché tout en crocs et en flammes qu’il a révélé était assez hideux pour retourner l’estomac d’un vautour.
Tout cela pour donner du spectacle, naturellement, de l’épate. Le plat principal, c’est Gobelin qui s’en est chargé.
On l’aurait dit cerné par des vers géants. Il m’a fallu un moment pour me rendre compte que cette vermine grouillante était composée en réalité de segments de corde. J’ai frémi en imaginant l’état de notre équipement.
Gobelin a émis un grand rire, et cent tronçons de corde ont jailli en ondulant au ras du sol ou dans les airs pour harceler, entourer, ligoter, garrotter.
Sifflote vitupérait, au bord de l’apoplexie.
« Arrêtez, arrêtez, vous êtes en train de rompre la paix. »
Qu’un-Œil l’a ignoré. Il a remasqué son horreur tout en dardant un regard féroce sur Gobelin dont l’ingéniosité lui restait en travers de la gorge.
Celui-ci n’en avait pas fini. Après avoir étranglé tous ceux du camp adverse, il a, de ses cordes, traîné les corps de l’autre côté de la frontière.
« Pas de témoins extérieurs », m’a glissé Qu’un-Œil qui ne voyait pas ces maudits corbeaux. Il a jeté un coup d’œil vers Gobelin. « Qu’est-ce qu’il mijotait, l’affreux crapaud ?
— Tu dis ?
— Ces cordes. C’était pas du boulot improvisé sous le coup de l’inspiration, Toubib. Il faut des mois pour en charmer une telle longueur. Et je sais aussi à qui il pensait. C’est fini le gentil Qu’un-Œil, bien poli, qui endure sans broncher. Les gants sont jetés, maintenant. Je vais me venger avant que ce saligaud ne me frappe dans le dos.
— Vengeance préventive ? » C’était bien un concept à la Qu’un-Œil.
« Je t’ai dit, il prépare quelque chose. Je ne vais pas attendre les bras croisés que…
— Demande à Sifflote ce qu’il faut faire des corps. »
Sifflote nous a conseillé de les enterrer profondément et de nous surpasser pour camoufler la fosse.
« Mauvais, a dit Madame. De quelque façon qu’on y regarde.
— Les montures sont reposées. On va prendre les ennuis de vitesse.
— J’espère qu’on pourra. Si seulement…» Il y avait une inflexion dans sa voix, qui m’a échappé sur le coup. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris. De la nostalgie. Le mal du pays. Le regret de choses irrémédiablement perdues.
Gobelin a baptisé nos nouveaux guides Cinoque et Chabraque. Malgré toutes mes réticences, ces noms leur sont restés.
Nous avons traversé la savane en quatorze jours, sans encombre, malgré la panique qui empoignait Sifflote et les deux guides chaque fois qu’ils entendaient des rumeurs de tambour dans le lointain.
Le message qu’ils redoutaient n’a retenti qu’une fois que nous avons eu quitté la brousse pour nous engager dans les montagnes désertiques de sa frontière méridionale. Nos deux guides nous ont tout de suite demandé à rester au sein de la Compagnie. Une lance de plus est une lance de plus.
« Ces tambours, m’a appris Qu’un-Œil, annonçaient qu’ils avaient été déclarés hors la loi. Ce qu’ils disaient à propos de nous, vaut mieux pas que tu le saches. Mais si tu décides de nous faire remonter dans le Nord, t’auras intérêt à opter pour un autre itinéraire. »
Quatre jours plus tard, nous avons établi notre campement sur des hauteurs surplombant une vaste cité et un large fleuve qui s’écoulait vers le sud-est.
Nous arrivions à Gea-Xle, à mille deux cents kilomètres sous l’équateur. L’embouchure du fleuve, deux mille quatre cents kilomètres plus au sud, marquait les confins du monde sur la carte que j’avais recopiée au Temple des Asiles. La dernière ville répertoriée, avec beaucoup d’incertitudes, s’appelait Troko Tallio et se trouvait légèrement en retrait de la côte.
Satisfait de l’installation du bivouac, je me suis mis en quête de Madame. Je l’ai aperçue un peu plus haut, entre les rochers. Mais au lieu de contempler le panorama, elle regardait fixement le fond d’une tasse de métal. Pendant un instant, il m’a semblé qu’une minuscule lueur s’y nichait. Et puis elle m’a senti approcher. Elle a relevé le nez, un sourire aux lèvres.
Il n’y avait plus de lueur au fond de la tasse quand j’ai pu y jeter un coup d’œil. Mon imagination, sans doute.
« La Compagnie s’agrandit, m’a-t-elle dit. Tu as enrôlé vingt hommes depuis qu’on a quitté la Tour.
— Hmm. » Je me suis assis, j’ai regardé la ville. « Gea-Xle.
— Où la Compagnie a servi. Mais où n’a-t-elle pas servi ? »
J’ai gloussé. « Tu as raison. Nous pataugeons dans notre propre passé. C’est nous qui avons mis au pouvoir la famille régnante, ici. Et nous sommes partis sans les habituelles rancœurs. Qu’est-ce qui se passerait si nous descendions avec Murgen en tête, notre étendard au vent ?
— Il n’y a qu’une façon de le savoir. Essayons. »
Nos regards se sont croisés et soutenus. Les multiples sous-entendus ont produit des étincelles. Notre dernier moment perdu d’intimité remontait à longtemps. Nous avions fui ces occasions, à vrai dire, mus par une sorte de pudeur et de culpabilité adolescentes à retardement.
Le soleil s’est couché dans un embrasement ardent – le seul de la soirée.
Tout simplement, je n’arrivais pas à faire abstraction de qui elle avait été.
Elle m’en voulait. Mais elle le cachait bien et s’est bornée, comme moi, à regarder la ville se parer de son masque nocturne. Entreprise digne d’un maquillage sur la peau d’une vieille princesse.
Elle n’avait pas besoin de gaspiller son énergie à m’accabler, je m’accablais fort bien tout seul, sans l’aide de quiconque. « Étranges étoiles, étranges cieux, ai-je fait remarquer. Les constellations sont complètement déboussolées. Si ça continue, je vais finir par avoir l’impression que je me suis égaré. »
Elle a émis un grognement.
« Une impression qui ne fera que s’accentuer. Punaise. Je ferais bien de fouiner un peu dans les annales pour voir ce qu’on y raconte sur Gea-Xle. Je ne sais pas pourquoi, mais cette ville ne m’inspire rien de bon. » C’était vrai, même si je venais juste de m’en rendre compte. Et inhabituel. En principe, ce sont les gens qui m’intimident, pas les lieux.
« Mais en voilà, une excellente idée. » Je pouvais presque l’entendre penser : Va te cacher dans tes bouquins et ton passé. Moi je reste ici, à regarder le présent et l’avenir droit dans les yeux.
C’était une de ces situations où tout ce que l’on peut dire tombe mal à propos. Alors j’ai opté pour le moindre mal et je suis parti en silence.
J’ai failli trébucher sur Gobelin en rejoignant le campement. Malgré tout le raffut de ma déambulation dans le noir, il ne m’avait pas entendu tant il était concentré.
À croupetons derrière un rocher, il épiait, les yeux écarquillés, la bosse que faisait le dos de Qu’un-Œil. Il était si manifestement occupé à préparer une crasse que je n’ai pas pu me retenir. Je me suis penché et j’ai murmuré : « Bouh ! » Il a fait un bond de trois mètres en poussant un cri, puis m’a embroché du regard.
Je suis rentré à pas pesants au campement et j’ai commencé à chercher les informations que je voulais lire dans les annales.
« Pourquoi faut-il que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas, Toubib ? est venu me demander Qu’un-Œil.
— Quoi ?
— Mêle-toi de tes oignons. Je l’attendais patiemment, l’autre crapaud. Si tu n’étais pas intervenu, je l’aurais suspendu comme une antilope prête à l’éviscération. » Une corde est sortie des ténèbres en se tortillant et s’est lovée contre lui.
« Je ne recommencerai plus. »
Les annales n’ont pas contribué à me rassurer. Je suis devenu parano, j’ai chopé ce tic ridicule, cette crispation entre les omoplates. Je me suis mis à scruter les ténèbres pour essayer de distinguer qui montait la garde.
Gobelin et Qu’un-Œil faisaient tous les deux la tête. Je leur ai demandé : « Hé, les gars, vous pourriez vous amener pour un boulot sérieux ? »
Bon, oui, ils pouvaient, mais pas question de laisser entendre que leur différend allait passer au second plan. Donc ils se sont bornés à me dévisager en attendant que j’annonce la couleur.
« J’ai une sale intuition. Pas exactement une prémonition, mais quelque chose dans le genre, et ça ne fait qu’empirer. »
Ils ont continué à me regarder, de marbre, se refusant à tout commentaire.
C’est Murgen qui s’est dévoué. « Je vois ce que tu veux dire, Toubib. J’ai la tremblote depuis qu’on est arrivés. »
J’ai promené mon regard sur les autres. Ils ont interrompu leurs bavardages, leurs parties de tonk. Otto et Hagop ont hoché discrètement la tête pour confirmer qu’eux aussi éprouvaient un malaise. Les autres étaient trop fiers-à-bras pour admettre quoi que ce soit.
Bon. Peut-être que mes sueurs froides n’étaient pas complètement dénuées de fondement.
« J’ai l’impression que descendre là-bas pourrait faire prendre un tournant à l’histoire de la Compagnie. Vous sauriez m’expliquer ça, vous qui êtes de petits génies ? »
Gobelin et Qu’un-Œil ont échangé un regard. Aucun n’a pris la parole.
« La seule chose étrange mentionnée dans les annales à propos de Gea-Xle, c’est que c’est une des rares villes dont la Compagnie soit partie.
— C’est-à-dire ? » Ce Murgen, un vrai glaçon.
« C’est-à-dire que nos frères d’armes n’ont pas eu à se battre pour s’en aller. Ils auraient pu renouveler leur engagement. Mais le capitaine a entendu parler d’un trésor dans une montagne du Nord où les pépites d’argent pesaient une livre, soi-disant. »
L’histoire ne s’arrêtait pas là, mais ils n’avaient pas envie de l’écouter. Nous n’étions plus vraiment la Compagnie noire, seulement un groupe d’hommes déracinés en marche dans la même direction. Dans quelle mesure était-ce ma faute ? Quelle était la part de ma responsabilité et celle de l’adversité ?
« Pas de commentaire ? » Nos deux sorciers semblaient songeurs pourtant. « Bon. Murgen. Tu hisseras les vraies couleurs demain. Avec tous les honneurs. »
Ça a relevé quelques sourcils.
« Finissez vos tisanes, les gars. Et préparez vos panses à la bière qui s’annonce. Ils brassent un véritable élixir, dans le coin. »
J’ai décelé quelques marques d’intérêt.
« Vous voyez ? Elles servent, en fin de compte, ces annales. »
Je me suis attablé à la rédaction du volume en cours, jetant un coup d’œil occasionnel à l’un ou l’autre des sorciers. Ils avaient oublié leur querelle et se creusaient les méninges pour autre chose qu’une de leurs bouffonneries rituelles.
À un moment donné, alors précisément que je relevais la tête, j’ai aperçu un éclat jaune argenté. Il semblait provenir des rochers d’où j’avais contemplé la ville illuminée un moment plus tôt.
« Madame ! »
Je me suis écorché les tibias une douzaine de fois pour y retourner, puis je me suis trouvé tout bête en la découvrant assise sur une roche, bras autour des jambes, menton sur les genoux, le regard perdu dans la nuit. La clarté d’une lune tout juste levée inondait son dos. Ma galopade effrénée pour venir à la rescousse l’interloquait.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? ai-je demandé.
— Quoi ?
— J’ai vu de drôles de lueurs, ici. »
Elle paraissait, dans cet éclairage, sincèrement éberluée.
« Mais, bah, sans doute un mirage de la lune. Tu aurais intérêt à rentrer sans trop tarder. Je veux que nous partions de bonne heure demain.
— D’accord, a-t-elle répondu d’une petite voix troublée.
— Quelque chose ne va pas ?
— Non. Je suis juste un peu perdue. »
Je comprenais sans qu’elle ait besoin d’en dire plus.
En rentrant, j’ai croisé Gobelin et Qu’un-Œil qui marchaient à pas de loup. Des étincelles de magie dansaient dans leurs mains et une lueur redoutable couvait dans leurs prunelles.